Saint Fernand de Séville… à Sarre
Voilà une petite « liaison artistique » entre notre belle ville de Séville et la petite Vallée d’Aoste, région francophone italienne d’où est originaire notre guide Patrik. En effet, au Château Royal de Sarre, à quelques kilomètres d’Aoste, se trouve un beau portrait de notre saint patron : Saint Fernand de Séville (1199 – 1252).
L’ancien manoir médiéval, aujourd’hui l’un des plus visités de la région italienne, fut acheté en 1869 par Victor Emmanuel II de Savoie, premier roi d’Italie et réaménagé en pied-à-terre pour ses célèbres Chasses Royales aux chamois et bouquetins dans les vallées aux environs.
La toile « sévillane » se trouve dans l’élégante chambre de la reine Marguerite, belle-fille du propriétaire et première reine d’Italie (elle était l’épouse, ainsi que la cousine, de son fils aîné, le futur Humbert I).
Un auteur anonyme peint vers 1870 un portrait absolument idéalisé mais riche de symboles associés à la vie et aux mœurs du monarque Fernand III de Castille et Léon. Par exemple, en premier plan, sur un autel, est posée sa célèbre épée, appelée la « Lobera », à savoir la « chasseuse de loups », c’est-à-dire les infidèles musulmans, que l’on pourrait traduire avec « lupara », comme la célèbre arme à feu sicilienne.
A droite, on trouve la statue de la « Virgen de la Batailla », c’est-à-dire la « Vierge de la Bataille ». Il s’agit d’une très élégante statuette gothique en ivoire, un cadeau de son cousin Saint Louis, roi de France (1214-1270), aujourd’hui conservée dans la cathédrale de Séville et que le roi-soldat castillan emportait toujours avec lui. Pour cette raison, elle a également été appelée la « Virgen del Arzón », la « Vierge de la Selle », où elle voyageait au cours les exténuantes marches dans les terres castillanes et andalouses, au cours des continus affrontements entre chrétiens et musulmans (pensez au célèbre film Le Cid avec Sophia Loren et Charlton Heston). Le roi de Castille sera en effet l’un des champions de la « Reconquête » des terres ibériques dominées pendant des siècles par les « infidèles », un engagement couronné par la prise de Séville en 1248. Cette ville était la capitale d’un des royaumes maures entre les plus importants et stratégiques de la péninsule, et sa conquête décréta le déclin définitif du pouvoir musulman en Europe.
En 1671, Fernand III fut déclaré saint, après une vie consacrée à la « Croisade espagnole », devenant évidemment le saint patron de Séville, ville qui avait libérée et où il vécut jusqu’à sa mort. Comme symbole de son humilité et de sa foi, notez la couronne renversée au pied de la belle Madone.Le manteau d’hermine, la chevelure et l’expression rappellent le plus célèbre des portraits du saint, réalisés lors de sa canonisation par l’artiste sévillan Bartolomé Esteban Murillo (1617 – 1682), que l’auteur anonyme du tableau de Sarre devait bien connaître.La présence de ce saint castillan (politicien habile, vaillant aussi bien qu’humble combattant pour la foi chrétienne) dans un château valdôtain devait représenter un exemple dont les représentants de la Maison de Savoie auraient dû s’inspirer. Un petit doute final : est-ce que cette toile « espagnole » est arrivée à Sarre directement de Séville, en tant que cadeau du beau-frère de Marguerite, Amédée Duc d’Aoste (frère d’Humbert I), éphémère roi d’Espagne entre 1871 et 1873 ?